J’ai chialé devant les Victoires de la Musique 2023

 

L’émotion, la vraie, celle qui te happe sans prévenir, celle qui te cloue sur le canapé ou te fait ouvrir la bouche, muette comme une carpe, tu connais ?
L’émotion, cette matière première. Ressentir des émotions et se sentir vivante.

La belle émotion, je la définis et l’appréhende personnellement comme un support, une sorte de pâte à modeler, que je peux façonner pour m’exprimer et donner à voir.

Une énergie brute, capable de te faire déplacer des montagnes ou te clouer à terre. Parfois.

Un mix and match détente-travail

Hier soir, j’étais en mode rattrapage de « dossiers ». Une semaine hachée par des rendez-vous extérieurs qui ne m’avaient pas laissé beaucoup de plages de travail « longues », de ces plages qui permettent à la créativité de s’activer et j’avais décidé de soulager ma charge mentale en avançant sur mes projets, tranquillement, sans contrainte horaire. Mais l’idée de rater la cérémonie des Victoires de la Musique me faisait sincèrement râler !

Alors j’ai allumé l’ordinateur et dans mon dos, dans cette configuration de bureau qui est loin d’être parfaite mais qui est telle quelle pour l’instant, télé allumée sur 6 PLAY pour ne rien perdre auditivement des remises de prix et reluquer discrètement les prestations musicales d’un Stromae devenu si rare ou d’un Jacques complètement atypique et précurseur.

La soirée déroule son lot de vraies pépites.

Stromae délivre une prestation bouleversante

La prestation frisson de Stromae d’abord. Un moment télévisuel sobre, maitrisé, classieux. Stromae est assis sur une chaise, devant un parterre de choristes, vêtu d’un ensemble sport de couleur parme. Il entame son titre l’Enfer. La caméra passe de son visage aux choristes. Et revient sur lui. Le seul mouvement que l’artiste va produire pendant les minutes de sa prestation sera ce coup de tête de côté qui dévoile brutalement sa longue chevelure nouée en catogan. Le public retient sa respiration et à travers l’écran transpire le charisme de l’auteur compositeur interprète belge qui évoque dans cette chanson la dépression dont il a été victime, le poussant à avoir des pensées suicidaires.

 

Je retiens mon souffle, mais déjà on annonce un hommage à Serge Lama. Et même si je suis fan de chansons françaises à texte, cet artiste n’est pas dans mon quintet de tête. Mais là encore je me suis pris une claque !

L’hommage à Serge Lama et ses adieux à la scène en direct

Un Serge Lama diminué physiquement qui assiste, assis sur une chaise, à l’hommage que lui rendent Mentissa, Santa et Elodie Frégé.

L’homme a vieilli, le visage tiré, les cheveux plus longs. C’est à Calogero que revient le moment de lui crier tout son amour, mais avant même que ce dernier ne puisse prononcer une phrase, en regardant Lama, le voilà emporté par un tsunami d’émotions. Les deux hommes s’empoignent quelques secondes et dans le regard de Calogero il y a à la fois toute l’admiration envers le bonhomme et la tristesse de voir que la fin approche. Ce que confirmera Lama quelques minutes plus tard, révélant ses adieux à la scène, pour raisons médicales, son corps et ses jambes en particulier ne lui permettant plus de le « porter » jusqu’au public, sur la scène, cet endroit où il a tant aimé donner, partager, faire vibrer.

Un Calogero envahi par un flot d'émotions lors de son hommage à Serge Lama.« Ce soir j’ai une Victoire, je suis très émuJe suis très ému car c’est peut-être la dernière fois que je vois un public m’acclamer debout. Et c’est certainement la dernière fois puisque vous le savez, j’arrête les frais, mon corps ne peut plus suivre. Je ne veux pas chanter assis ».

Je suis là, debout devant ma télé, débordant de larmes en me disant que la vie passe en un éclair et que c’est vraiment la merde, mais tellement touchée que certains puissent exprimer en quelques phrases des choses si fortes. Rose me fait la tête, je ne réponds plus à ses petits miaulements, happée par l’écran télévisuel.

Je reprends le fil de mon travail, il se fait tard et je suis déjà touchée en plein cœur mais le coup fatal va arriver un peu plus tard. 🙄

 

Se faire totalement cueillir par l’émotion brute

La soirée est carrément avancée lorsque arrive enfin le grand moment du prix de la révélation féminine de l’année.

Un trio exclusivement féminin

Le prix se joue entre trois artistes féminines : Mentissa, Emma Peters (que j’ai découverte il y a peu et dont je suis fan absolue, d’ailleurs je vais la voir en concert au Rockstore bientôt) et November Ultra, que je ne connais pas. Mea culpa, personne n’est parfait et j’ai des failles certaines en culture musicale.

Angèle est sur scène pour remettre le prix, elle décachette l’enveloppe et toujours très « queen » dans sa tenue rose bonbon (Chanel ?) annonce le nom de la révélation féminine 2023 : NOVEMBER ULTRA. Et là je vais essayer de vous expliquer ce que je vois et ressens.

Des pensées honteuses et un discours de très grande dame

Je vois une artiste assez volumineuse s’extirper de sa place, heureuse comme une gamine, traversant l’espace avec son corps imposant, gravir les escaliers dans sa robe blanche façon meringue et se diriger jusqu’à l’estrade pour y recevoir son trophée. Dans ma tête, des pensées légèrement grossophobes. J’ai honte mais ca me traverse l’esprit : elle est carrément atypique aux côtés d’une Laury Thilleman ou d’une Angèle-supra-queen, ca dénote sévère !

Foutues pensées !

November Ultra se saisit alors du micro et une énergie de dingue s’engouffre derrière elle, une fraîcheur, une authenticité folle. Mon cerveau passe en mode lecture de signes non verbaux : je vois les yeux qui scintillent, je vois la petite fille touchée, ses yeux rieurs, ses bras potelés, son sourire d’enfant, sa légèreté, son enthousiasme.

Et elle commence à parler.

Elle dit ça : J’avais tellement peur de tomber et de vous montrer mes fesses ! Oh désolé ce n’est pas ce que je voulais vous dire. […/…] Je voulais vous dire qu’il y a très très longtemps, ma maman m’a dit (parce que je suis fille d’ouvriers) tu sais les enfants d’ouvriers, c’est rare qu’ils arrivent à devenir artistes, et je voulais juste dire – ben regarde maman, ca arrive ! J’ai 34 ans, on n’est jamais trop vieux, il n’est jamais trop tard, faites de la musique, faites que l’année prochaine ce soit vous qui soyez ici, merci du fond du cœur à tout le monde et merci à ma team !

Je te mets la vidéo, tu verras par toi-même : le discours en vidéo de November Ultra

Je crois que je viens de comprendre combien cela fait echo chez moi !

Rien que de le relire, ca me fait chialer.